Un sondage établi par le magazine « NATURISME MAGAZINE » du 25 mars 2022, l’un des principaux organes de presse du naturisme français, révèle que le naturisme est un choix très masculin, ce qui ne fait qu’affirmer la réalité de la pratique depuis des décennies. Le résultat de ce sondage paru dans le n°76 du magazine, n’est bien évidemment pas relayé parce qu’il écorne l’image d’Epinal d’un naturisme familial. Il est pourtant intéressant à plus d’un égard !

NATure Hommes souligne également l’écart important entre la réalité et l’écrasante supériorité de la femme dans les revues naturistes, au premier chef, sur les couvertures, avec la mise en avant de femmes plutôt jeunes, belles, loin, très loin de la campagne du #stopbodyshaming de la Ffn de 2021. Les éditorialistes de ces revues, assument et reconnaissent qu’il existe une dimension commerciale à ce choix d’images, car eux-mêmes s’accordent à dire que c’est la clientèle très majoritairement masculine qui achète ces revues et c’est aussi très majoritairement l’homme dans le couple, qui est à l’initiative d’un séjour en centre naturiste et de la pratique du naturisme en général.(Extrait de l’effet « dégenrant » et désexualisation du corps nu : Utopie Naturiste à l’épreuve des territoires – page 7- https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02389236/document

Panel de couvertures de magazines naturistes

Dans son essai, « la nudité, pratiques et significations », Christophe Colera, souligne qu’à la fin du XIXe siècle, un pionnier du nudisme médical, le Dr Albert Monteuuis notait que les françaises manifestaient une aversion culturelle particulière à la dénudation en plein air. « La délicatesse de la femme française, son goût fatalement artificiel du beau font que, faute d’habitude, elle éprouve à prendre un bain d’air une répulsion qui n’existe pas à l’étranger ».

Claire Maingon, historienne de l’art et maîtresse de conférences en histoire de l’art contemporain à l’Université de Rouen, explique également que « « Pour nous aujourd’hui, le nu c’est surtout le nu féminin. Mais en réalité, pendant très longtemps et jusqu’à la Renaissance italienne, le nu était quasiment uniquement masculin » . Elle est l’autrice de L’Œil en rut, Art et érotisme en France au XIXe siècle (Éditions Norma, 2021)

Qui en couverture des revues naturistes ? (Naturisme Magazine 2009 – 2020)

Lorsqu’on communique sur le naturisme, se pose la question de l’image qu’on souhaite transmettre. En ce sens, il peut être intéressant de regarder qui figure en couverture des revues naturistes, particulièrement celles vendues en kiosque car elles sont accessibles à tout type de public. Nous regarderons ici les couvertures de la revue « Naturisme Magazine » sur la période 2009 – 2020. https://naturhistoire.wordpress.com/2020/12/15/qui-en-couverture-des-revues-naturistes-naturisme-magazine-2009-2020/

Sur les 67 couvertures de la revue :

  • 47 représentent une femme seule (70,1 %)
  • 1 représente un homme seul (1,5 %)
  • 1 représente deux adolescents (1,5 %)
  • 5 représentent un couple (7,5 %)
  • 12 représentent une structure familiale (17,9 %) (sur ces 12 couvertures, 11 présentent une femme, 4 présentent un homme, aucun adolescent et 12 présentent au moins un enfant)
  • 1 représente un groupe mixte (1,5 %)

Une autre manière de regarder ces couvertures, est de voir comment chaque catégorie (femme, homme, adolescent, enfant) est représentée, sans regarder si elle est représentée seule, au sein d’un groupe.

  • 64 des 67 couvertures représentent au moins une femme (95,5 %)
  • 11 couvertures représentent au moins un homme (16,4 %)
  • 1 seule couverture représente au moins un adolescent (1,5 %)
  • 12 couvertures représentent au moins un enfant (17,9 %)

Comment est assumée la nudité ? Sur les 67 couvertures publiées :

  • 66 représentent des personnes ne portant aucun vêtement (98,5 %)
  • Parmi ces 66 couvertures, sur 60 d’entre elles on peut voir que la personne est nue (89,6 %)
  • 1 seule couverture représente une personne portant un vêtement (1,5 %)
  • Sur 21 de ces couvertures, un sexe ou un pubis est visible (31,3 %) – notons qu’il s’agit toujours de personnes de sexe féminin, vingt-et-unes femmes et une enfant.
https://www.naturisme-magazine.com/actualites/enquetes/le-naturisme-un-choix-tres-masculin

Il est donc noté une contradiction manifeste entre le choix des images pour promouvoir le naturisme, et la réalité de la pratique plutôt masculine, tout comme le décalage entre les modèles choisis pour les revues et la réalité de la clientèle des centres, marquée par une tendance au vieillissement dans les centres ou associations naturistes. Le style de photos change également. La mise en scène est moins travaillée pour un modèle masculin, et le même cliché ressort pour couvrir des sujets différents. La même photo a été utilisée pour parler de la nudophobie en 2018 et ressortie en 2022 pour parler du choix masculin. Naturisme Magazine souligne que sur 637 réponses de son sondage, 578 ont été données par des hommes (90,7%), 58 par des femmes (8,8%) et 3 ont choisi de ne pas se prononcer (0,5%). Il est à noter aussi que 74,7% des personnes n’ont aucun enfant à charge, que seulement 2% ont découvert le naturisme par les médias spécialisés, que 14% ont débuté par un centre de vacances, 4,6% par un club. 

https://www.naturisme-magazine.com/actualites/societe/des-phobies-gueries-par-le-naturisme

La nudité masculine et la nudité féminine sont considérées de manières très différentes, même dans l’art moderne. Si beaucoup d’artistes contemporains utilisent le nu féminin comme mode d’inspiration, bien moins nombreux sont ceux qui s’inspirent du nu masculin.

Il y a par ailleurs un problème avec les images naturistes. Dans les revues, on voit finalement que ce sont des modèles qui posent. Ce sont des images qui soulignent le coté hédoniste du naturisme actuel. Sur les blogs des associations ou des groupes Facebook, ce sont des photos faites sur le pouce avec un smartphone. Ce type de clichés souligne le coté « M’as-tu vu? » qui finalement symbolise quelque peu le coté « exhib » du naturiste. Ces clichés ne montrent que des personnes figées, sans interactions sociales, alors que dans les années 30, on nous montrait des naturistes en activité. Une image doit susciter de l’émotion, de l’intérêt. Elle doit attirer le regard et apporter du sens, sous condition d’être accompagnée dun texte. Les photos naturistes que l’on voit sur les réseaux sociaux ne sont bien souvent accompagnées d’aucun message, ou détournées de leur contexte pour les raccrocher au naturisme. Il y a une distinction entre la simple nudité et le nu. Selon John Berger, la nudité signifie être soi-même, sans vêtements. Le nu, c’est s’exposer au regard du spectateur et en être conscient. Or, lorsqu’on regarde une œuvre d’une peinture représentant un nu, c’est toujours vers le spectateur que le regard du modèle se tourne. Il se montre, s’exhibe au spectateur. Il en est souvent de même avec les photos naturistes où les personnes nues figent le regard vers l’objectif, pour dire « regardez nous ». Infime frontière entre exhibition et nudité.

Une disparité si évidente mais si souvent contestée…

La carte de vœux 2022 de la Ffn avec sa photo de rassemblement du congrès de septembre 2021 à Héliomonde, est un témoignage de cette disparité entre les femmes et les hommes. Elle montre également une communauté dans la tranche d’âge > à 50 ans et donc assez loin des discours sur le rajeunissement du naturisme.

Autre évènement pour souligner cette disparité, le festival « NATURist por nova mondo » (Festival naturiste et écologique). Ce festival a également mis en évidence la participation discrète des femmes alors même que le festival se déroule dans un lieu privé à l’abri des regards. On pourrait également analyser les statistiques des pages Facebook des groupes naturistes. La Ffn avait publié en 2019 les statistiques de sa page Facebook. Cette statistique mettait en évidence une forte disparité avec pratiquement 80% d’abonnés masculins, alors que la Ffn est et reste le symbole du naturisme familial. Cette disparité se voit également dans les associations naturistes sans terrain ou urbaines. Naktivity avait d’ailleurs souligné que la proportion est seulement de 9% pour les femmes sur un total de 257 adhérents sur leur saison 2021. Cette transparence est à saluer dans le milieu naturiste qui reste enfermée dans son image d’Epinal d’Adam et Eve. Avec un taux d’adhérents masculin de 91%, Naktivity est raccord au sondage de Naturisme Magazine, et raccord à l’article du parisien qui en 2022 soulignait que l’espace naturiste du bois de Vincennes était à plus de 90%, fréquenté par des hommes, tout comme les soirées électro « Beautiful Skin » du collectif A222-32 qui réunit une population nudiste très majoritairement masculine.

La société ne porte pas sur les corps féminins et masculins sans vêtement, un même regard…

https://www.rvm.fr/insolite/pensant-que-c-etait-une-plage-nudiste-une-touriste-se-trompe-de-plage-dans-le-grand-est

Il n’y a guère que dans les centres de vacances ou clubs naturistes avec terrain où la parité hommes femmes est perceptible. De nombreuses associations refusent aussi de communiquer sur la répartition de leurs adhérents au sein de leur association par crainte de ne plus répondre à l’éthique naturiste, si chère aux fédérations, qui par la discrimination positive, ont contribué au maintien de la discrimination des hommes seuls. D’autres associations inventent le formulaire non genré, pensant ainsi cacher la forte majorité d’hommes au sein de leur association.

Mais lorsqu’on parle de naturisme urbain, la participation des femmes aux activités naturistes urbaines est quasi nulle, ce qui en soit est assez naturel, car la société ne porte pas sur les corps féminins et masculins sans vêtement, un même regard. Les juges non plus ! On relève que les juges ont tendance à considérer que la nudité masculine, de même que la nudité féminine revendicative (femen) sont obscènes, tandis qu’une nudité féminine attisant le désir sera très largement tolérée. 

L’anecdote de la touriste hollandaise qui s’est présentée toute nue sur la plage auboise de Géraudot, en juillet 2022, alors que le lieu est « textiliste » démontre que les forces de l’ordre sont beaucoup moins diplomates vis-à-vis d’un homme nu, que d’une femme nue, quand bien même l’attitude de l’homme aurait été en tout point similaire à l’attitude de cette touriste hollandaise.

Qu’on se le dise, le naturisme d’aujourd’hui est un choix qui se conjugue au masculin. Le Bois de Vincennes en est le symbole avec une fréquentation masculine supérieure à 90%. Les femmes restent beaucoup plus rares à se déshabiller dès qu’elles doivent sortir des centres ou des clubs avec terrain clos où elles se sentent en sécurité par un regard bienveillant des autres naturistes mais aussi par les règlements intérieurs qui interdisent toute forme d’écart sans risque de se faire renvoyer.